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"Un lieu de rendez-vous de sorcières",  "une montagne de coquillages", "un observatoire astronomique".

Qui n'a pas déjà entendu parler d’un site du pays de Hanau, dans l'un ou l'autre de ces termes énigmatiques ? Vous l'avez peut-être deviné, c’est du Bastberg dont il s’agit. Si vous aimez la randonnée, que vous vous intéressez un tant soit peu à la géologie, si vous êtes sensible aux légendes des Vosges, et, pourquoi pas, passionné d'astronomie, il faut vous mettre en route !

 

Autre article sur le Bastberg dans ce blog : Bastberg, la nuit des étoiles

 

  

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Vosges du Nord, pays de HANAU, région de Bouxwiller, Griesbach-le-Bastberg.
22-8-2005


La carte Top 25 « 3714 ET - La petite Pierre», n'est pas inutile pour bien  se situer et  aborder sereinement le départ du sentier. Vous trouverez ce dernier à quelques kilomètres de Briesbach-le-Bastberg, derrière le cimetière d’ Imbsheim, charmant village alsacien niché dans les collines.
En ce sombre dimanche d’août, posté devant ce lieu de repos éternel, vous découvrirez peut-être, en premier lieu, derrière les calvaires, une croix noire épinglant la ligne d’horizon dans un ciel plombé…  Ne vous sauvez pas en courant, ce serait dommage !

Allez vers le parking signalé sur la carte, où votre voiture attendra sagement pendant que vous grimperez au sommet de la colline.  L’orage gronde déjà, et en montant, vous essuyez les gifles d’une ondée glaciale ? Ne vous découragez pas pour autant, en quelques enjambées, vous serez arrivé. Aimez-vous les ambiances wagnériennes ? L'orage vous permettra peut-être, là haut, aveuglé par un brouillard funeste, de distinguer à peine une immense croix de bois noire, dont les haubans métalliques vibrent et gémissent dans le ciel sombre… Avez-vous été transporté par quelque maléfice sur le Golgotha ?  Vous commencez à regretter d'être venu... C’est alors qu’apparaît dans la brume, au pied de la croix, un petit abri au toit pointu, semblant d’humanité pour de nouveaux repères… Là-bas, dans le brouillard glacé, une silhouette humaine se dessine… Vous voici arrivé au sommet du Petit Bastberg (appelé localement « Baschberri »), 326 m.

 

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Il y a toujours du monde, là-haut, le dimanche. Il n'est pas impossible que vous soyez accueilli par le sourire d'une dame, ressemblant à un rayon de soleil annonçant la fin de l’orage. Confortablement installée dans l’abri, assise sur un fauteuil de camping, un livre à la main, cette bonne fée semble ici chez elle. Un homme l’accompagne, qui se prépare quant à lui à faire voler un modèle réduit d’avion. En attendant que les éléments se calment allez faire un brin de causette ! Vous avez de la chance. La dame est en effet une habituée de l’endroit, et contribue même à l’entretien du paysage que vous contemplez ! Elle vous apprend qu’elle fait partie du CSA (conservatoire des sites alsaciens)  : il s’agit, entre autres, d’empêcher les pins d’envahir la colline. On peut voir ce qu’elle deviendrait en regardant sa voisine, une butte qui semble être jumelle, le Galgenberg (ou « Galieberri »), qui, malgré son altitude légèrement inférieure (321 m) est appelée le Grand Bastberg. Celui-ci est  entièrement coiffé d’un épais bois de pins noirs d’Autriche.
 
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Le grand Bastberg

 

 

En effet, dans le cadre des Chantiers nature, le Conservatoire des sites alsaciens entretient le Petit Bastberg, pour maintenir dans un équilibre écologique optimal le biotope original que constitue sa pelouse. Des travaux réguliers sont réalisés par des bénévoles, sur recommandation du Conseil Scientifique du Conservatoire des Sites Alsaciens. Ces chantier nature sont ouverts à tous, permettant au public de participer concrètement à la préservation du patrimoine naturel (1).

 

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La pluie a cessé, c’est l’éclaircie. Profitons-en pour découvrir le sommet du Petit Bastberg, qui d’heure en heure se libère de son côté lugubre, pour prendre de surprenantes allures méridionales ! La couleur jaune paille du brome érigé -végétation d’origine méridionale ou d’Europe centrale- signe l’appartenance du lieu aux arides collines calcaires d’Alsace. D ’après la dame, il est trop tard pour contempler la pelouse à orchidées, qui est la végétation la plus remarquable de ce milieu. Seuls quelques spécimens subsistent encore, un peu flétris : il fallait venir en mai ou en juin. On pouvait y admirer une dizaine d’orchidées, comme l’ophrys bourdon et insecte, l’orchis pyramidal, bouc et homme pendu -là, ça redevient inquiétant…- ainsi que la gentiane ciliée. voir article :  Bastberg, la gentiane ciliée et un objet trouvé

 

 

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Devant l’abri, une étrange dalle de granit rose, brillante de pluie et percée de trous attire l’attention. Le monsieur passionné d’aéromodélisme, se positionne devant et d’un ample geste, il expédie son avion dans les airs. Après avoir profité de ce petit spectacle amusant, la découverte de l’arête sommitale s'impose ! Il fait de plus en plus beau ! Le paysage de villages roses et de collines bleues aiguise l’appétit et c’est l’heure de déballer le sandwich et de le croquer avec la même gourmandise que le paysage. Assis sur un affleurement calcaire, il est possible de se rendre compte de la chaleur du sol ! – C’est le moment d’observer les roches qui affleurent : voici une drôle de pierre jaune, criblée de petits dessins et reliefs : c’est le calcaire oolithique, roche jaunâtre compacte, constituée de petits grains sphériques : les oolithes ne sont pas des animaux fossiles, mais des structures minérales qui se forment par "enrobage" de calcaire.

 

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Calcaire oolithique


 

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Calcaire oolithique


 
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Fossile trouvé dans un champ labouré, près de Griesbach le Bastberg

 

 

C’est donc vrai, on peut s'asseoir ici sur une montagne de coquillages ! Le casse-croûte est terminé, il est temps de poursuivre l’exploration de ce petit territoire. De part et d’autre du sentier sommital,  la « fruiticée », comptant une quinzaine d’espèces ligneuses telles que le prunellier, l’aubépine, les églantiers ou l’épine vinette s’implante par bosquets.

 

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Certains feuillages, déjà pourpres, exaltent le bleu du ciel. Une pie grièche fait une apparition furtive alors que de jolis papillons butinent délicatement le serpolet. Le machaon, un de nos plus grands papillons, n’est apparemment pas de sortie aujourd’hui. Quant à la mante religieuse, insecte méridional par excellence, dont le mimétisme est proverbial, elle doit échapper à la plupart des investigations.

 

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Le regard se perd à nouveau dans l'univers minuscule de ces milliers de coquillages fossiles, légers squelettes d'organismes ayant vécu à des millions d'années de notre époque.... Il est bien entendu possible de les observer,  respirer, photographier, ou manipuler, mais il faut les remettre à leur place, par respect pour les petites bêtes dont c’est le toit de la maison, et parce que tout prélèvements est interdit dans un site protégé ! 
 
Il fait de plus en plus chaud, le retour du beau temps amène avec lui un cortège de visiteurs munis d’une batterie hétéroclite de jouets pour adultes : différents modèles d’avions, dont certains sont impressionnants… Les enfants se contentent de cerfs-volants, qui font de violents piqués en vrombissant comme des toupies géantes ou des crécelles. Un parapente orange vif se gonfle et retombe plusieurs fois, pour finir par s’envoler dans le ciel bleu. Les sorcières modernes n’ont plus besoin de balai !
 

 

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La vue est belle !
 

 

A  ce propos, il parait qu’autrefois, le Bastberg (« Mont de Saint Sébastien ») avait mauvaise réputation… On raconte qu’en des temps anciens, à minuit, toutes les sorcières de la région s’y retrouvaient, pour des agapes se terminant en sabbats orgiaques… Une légende relate l’histoire d’un pauvre instituteur, qui s’était un peu attardé à une fête de village… Rentrant chez lui (il habitait à Griesbach), il aperçut des lumières au sommet de la colline. Il fut d’autant plus intrigué qu’une musique enragée lui donna à penser que là-haut, il y avait une animation des plus réjouissantes ! Il décida donc d’aller y voir … A peine arrivé sur les lieux, il n’eut guère le loisir de réfléchir, car il se trouva littéralement emporté, happé par la folle ronde des sorcières. Chevelures en désordre, rires grinçants, regards fous, valse des amples robes noires, le spectacle était hallucinant ! Au bout de plusieurs heures de cette sarabande, il était mort de fatigue, mais la fête n’était pas finie ! Il dut passer à table et partager avec ces dames un repas aux mets les plus fins arrosés de grands crus.. La tête lui tournait et il n’en pouvait plus, mais ces diablesses l’obligèrent encore à prendre un violon et à jouer, jouer, de plus en plus vite, de plus en plus fort. Epuisé, mais ne pouvant s’arrêter, il passa des heures au centre d’un tourbillon de rires et de cris hystériques. A l’aube, il se réveilla, étendu sur le sol pierreux, mal en point, la tête et les os douloureux. Ses vêtements étaient en piteux état, sales et déchirés. L’archet de son violon qu’il croyait tenir en main, était en fait la queue d’un gros chat noir qui le griffa et le mordit avant de s’enfuir en crachant ! Le pauvre homme, effaré, rassembla le peu de forces qui lui restaient pour prendre ses jambes à son cou et retrouver au plus vite le calme de son logis à Griesbach…

Est-ce d’ailleurs pour cette raison que l’on trouve aujourd’hui à Imbsheim, un excellent restaurant : « Bastberger Stuewel », où l’on peut déguster –entre autres- « le plat de la sorcière » (Heckse Plaettel), en rêvant devant les petites pythies chevauchant leur balai sur le papier peint ? Annie et Peter REIXEL (2) vous y réservent un accueil diaboliquement… chaleureux ! Alors, en compagnie de sorcières, incubes ou succubes … succombons !

 


Bien d’autres légendes encore attestent de la présence de sorcières sur le Bastberg. Parmi celles qui s’y rendaient par la voie des airs, chevauchant leur balai, n’omettons pas de citer la comtesse et magicienne Itta, épouse de Pierre de Lutzelbourg (fondateur en 1126 de l’Abbaye de Saint Jean Saverne). Accompagnée de ses comparses, elle prenait son envol de la plate-forme du Mont Saint Michel, à Saint Jean les Saverne, à proximité de « L’école des sorcières », cet énigmatique bassin circulaire de 4,70 mètres de diamètre, creusé dans la roche. Il paraîtrait même que Pierre de Lutzelbourg, exaspéré par la méchanceté de son épouse, la fit ensevelir vivante dans un souterrain du château de Lutzelbourg… et qu’elle y serait encore…

 

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Sorcière s'envolant vers le Batsberg, du Bassin au Mont Saint Michel

à Saint Jean-Saverne (montage)

 

 

Nous savons tous combien le peuple chérit le pittoresque des légendes, aime rêver et pourquoi pas, ressentir un petit frisson de peur… Pour preuve, la dame aimable vous apprend également que le feu de la Saint Jean, a lieu chaque année près de l’abri du Club Vosgien et que, pour la première fois cette année, le 3 avril 2005, le sommet du Bastberg a été le théâtre d’une « fête des sorcières et des lutins » ! Hommes femmes et enfants ainsi déguisés ont dansé toute la nuit autour de deux chaudrons  : celui destiné aux adultes était rempli de sangria où nageaient crapauds et autres bestioles « diaboliques », comestibles pour l’occasion  ; celui des enfants était plein de jus de fruits. Les animateurs, en organisant ce sabbat, ont fait un véritable tabac ! Il faut revenir l’année prochaine !

 

Et regardez bien le ciel, au-dessus de l'austère croix de sept mètres de haut, "christianisant" le Bastberg... Peut-être apercevrez-vous, entre deux nuages noirs, chevauchant son balai, l'ombre furtive d'une belle sorcière aux longs cheveux roux...

 

 

Suite de l'article :  Le Bastberg2, montagne des sorcières ou lac fantôme

 

Les autres articles sur le Bastberg :

 

Le souffle du printemps sur le Bastberg 1/2

 

Un souffle de printemps sur le Bastberg 2/2 le tilleul de Goethe

 

Le Bastberg2, montagne des sorcières ou lac fantôme

 

Bastberg, la nuit des étoiles

 

 

 

 

Tag(s) : #Alsace - les collines calcaires, #Rêve - mystère et réalité, #Flore, #Géologie
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